Netflix : «Le jeu de la dame» , le carton de l’automne surprise

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Un coup de «grand maître»: carton surprise de l’automne sur Netflix, la mini-série «Le jeu de la dame» («The queen’s gambit») retrace avec brio le parcours d’une prodige des échecs et passionne néophytes et joueurs avertis, séduits par son réalisme. Adaptatée du roman éponyme de Walter Tevis, publié en 1983, cette série en sept épisodes située dans les années 1950- 1960 raconte l’ascension fulgurante –et fictive– d’une orpheline du Kentucky en proie aux addictions, Beth Harmon, dans un univers très masculin. Prestation impressionnante de l’interprète principale Anya Taylor-Joy, décors soignés, duels autour de l’échiquier plus captivants qu’un combat de boxe: l’oeuvre de Scott Franck («Godless», «Logan») et Allan Scott, mise en ligne presqu’en catimini sur Netflix fin octobre, est saluée de toutes parts, le bouche-à-oreille l’ayant propulsée en tête des séries les plus vues sur la plateforme. Chez les amateurs d’échecs, conquis, c’est l’effervescence. En témoignent la floraison d’articles et vidéos consacrées à la série par les publications spécialisées ou les commentaires quasi unanimes de joueurs sur les réseaux sociaux. «C’est la meilleure chose que j’ai vue sur les échecs», a ainsi affirmé le Français et grand maître international (titre récompensant un joueur de haut niveau) Anthony Wirig, lors d’une conférence en ligne organisée autour de la série par le site «Apprendre les échecs en 24H». 

«Ce lien charnel» : «Cela a ému beaucoup de monde de voir l’ambiance aussi bien retransmise, ce lien charnel qu’on a avec le jeu», explique Pierre Petitcunot, co-fondateur du site. Même son de cloche chez le président de la Fédération française des échecs (FFE), Bachar Kouatly. Il salue «une formidable série proche de la réalité», qui s’appuie sur une «littérature très dense» et «des parties réelles», tirées de vraies compétitions. C’est que la série, très documentée, a bénéficié de l’expertise du légendaire Garry Kasparov, l’ancien champion du monde russe officiant comme consultant, avec le coach américain Bruce Pandolfini. Le personnage de Beth Harmon est en partie inspiré de Bobby Fischer, prodige américain devenu champion du monde en 1972 à l’issue du «match du siècle» contre le Soviétique Boris Spassky, en pleine guerre froide. Quelques erreurs subsistent au montage, comme l’a remarqué Anthony Wirig, citant notamment une partie jouée dans un avion. Le titre français de la série, «Le jeu de la dame», fait aussi tiquer. Le «Queen’s gambit», le titre anglais, désigne une ouverture au échecs qui se traduit en français par «gambit dame» (et non Jeu de la dame). Et les acteurs n’ont pas «l’élégance du toucher» de vrais joueurs dans «les déplacements», estime Bachar Kouatly. Il n’empêche, «c’est filmé de manière sublime», insiste-t-il. 

Commentaires désobligeants: «Beaucoup vont certainement commencer les échecs grâce à cette série», anticipe Bachar Kouatly. De fait, le site «Apprendre les échecs en 24 h» a vu son nombre de visiteurs multiplié par 10, de 600 à 6.000 par jour, depuis la diffusion de la série, constate Pierre Petitcunot. Et d’après le quotidien britannique The Independent, les recherches de jeux d’échecs ont augmenté de 273% sur le site d’enchères Ebay, dans les dix jours suivant l’arrivée de la série sur Netflix. De quoi gonfler les rangs des joueuses? En France, les femmes ne représentent que 22% des effectifs de cette discipline souvent critiquée pour son sexisme. Un aspect trop édulcoré selon certains dans la série.