F. LE BORGNE (IDATE) : «Netflix commence à être présent sur toute la chaîne de valeur»

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Florence LE BORGNE, Responsable des activités «TV & contenus numériques» de l’IDATE

Face à l’émergence des acteurs du numérique, les stratégies des groupes audiovisuels sont aujourd’hui relativement plurielles. Quelles sont les réflexions mises en place ? Tour d’horizon avec Florence LE BORGNE, Responsable des activités «TV & contenus numériques» de l’IDATE.

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Comment les chaînes de télévision réagissent-elles face à l’émergence des acteurs du numérique ?

Florence LE BORGNE

Les stratégies sont relativement plurielles. Mais d’une manière globale, la logique est défensive. Des groupes comme CANAL+ et M6 ont respectivement acquis il y a plusieurs années des collectifs comme Studio Bagel et Golden Moustache. Sans vouloir généraliser, il y a un double public autour de ces nouveaux contenus. Le premier est indubitablement plus âgé et n’a probablement jamais entendu parlé de ces collectifs d’humoristes. La deuxième est beaucoup plus jeune. A l’évidence, l’enjeu pour les chaînes de télévision est de continuer à toucher les Millennials qui ne consomment plus nécessairement les contenus linéaires. Il faut s’adresser autrement à ce public en étant présent là où ils sont, c’est-à-dire notamment sur internet. Les contenus impertinents du Web doivent conserver leur teneur au sein d’un groupe audiovisuel.

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La distribution TV, un secteur sans plus aucune frontière ?

Florence LE BORGNE

Le secteur des télécoms est aujourd’hui très investi dans la distribution TV sur tous les supports, dans l’édition comme dans l’achat de contenus. Il n’y a plus aucune frontière. Du côté des ayants droit mais aussi des éditeurs de contenus, leur vocation est d’intégrer le plus largement possible la chaîne de distribution.

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Est-ce le cas d’un acteur mondial comme Netflix ?

Florence LE BORGNE

Netflix commence effectivement à être présent sur toute la chaîne de valeur : édition, production et distribution. Ils commandent des productions originales de séries, de documentaires et d’animation dans des proportions qui sont loin d’être marginales. Parallèlement, les chiffres de Netflix en France sont relativement flous. Comprendre leur poids sur le marché français actuel semble assez peu évident. D’autre part, en observant le développement d’un service comme «Youku Tudou», (le YouTube chinois), nous pouvons nous demander si la révolution n’est pas plus chinoise qu’américaine. L’Europe a toujours l’œil rivé sur le continent américain où traditionnellement l’innovation et les nouvelles formes de consommation proviennent. Mais en Chine, ils ont une vision différente de la consommation. La nouveauté viendra certainement des pays plus orientaux.

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Quelles sont les nouvelles opportunités de croissance des groupes audiovisuels?

Florence LE BORGNE

L’avenir est loin d’être écrit. Mais l’émergence massive du non linéaire est un point essentiel à prendre en compte. Un groupe audiovisuel qui n’adopte pas de stratégie délinéarisée importante, n’optimisera pas ses chances de développement. Cette logique ne doit pas se faire au détriment du linéaire. Il y a une bonne intelligence à trouver en complémentarité pour réexploiter le contenu et l’adapter. Demain, nous ne ferons plus la différence entre linéaire et non linéaire. Pour le grand public, ce sont des mots qui ne font pas forcément sens. Dans l’univers actuel, les marques télévisuelles ont besoin d’être consolidées sur tous les supports. Pour internationaliser les contenus français, nous devons être puissants sur notre propre territoire. La réglementation audiovisuelle doit être facilitée pour que les futurs gros acteurs du secteur puissent être à la fois producteurs, éditeurs et distributeurs. Ce n’est pas le cas en France puisque les chaînes doivent investir à 75% dans la production indépendante.