A. CHAUVEAU (INA) : «70% des réalisateurs de documentaires de Prime Time et plus de 80% des réalisateurs d’Access Prime Time sont de sexe masculin»

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À l’occasion de la 33ème édition de Sunny Side of the Doc, l’INA a présenté une étude sur la place des femmes dans les documentaires. L’étude dévoile encore de grandes disparités entre les hommes et les femmes. L’occasion pour média+ d’évoquer ces résultats avec Agnès CHAUVEAU, Directrice déléguée de l’INA.

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L’INA s’est intéressé à la place des femmes dans les documentaires diffusés à la télévision en 2021. Comment avez-vous conçu votre étude ?

Agnès CHAUVEAU

A l’occasion de l’édition 2022 du Festival Sunny Side of the Doc de La Rochelle, l’INA s’est intéressé à la place des femmes dans les documentaires diffusés à la télévision en 2021. Cette étude vient compléter un précédent travail sur les réalisatrices de documentaires de 2002 à 2022. Pour cela, nous avons analysé les premières diffusions de documentaires sur l’année 2021, sur les sept chaines télévisées historiques, de TF1 à M6. L’étude porte sur près de 1.000 œuvres et repose sur plusieurs axes d’analyse sur la parité femmes-hommes aux postes de réalisation, d’écriture et de narration.

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Quel premier constat tirez-vous de votre étude ?

Agnès CHAUVEAU

Le premier constat que nous pouvons tirer de ces résultats est très clairement la surreprésentation des auteurs et réalisateurs hommes, en particulier aux heures de grande écoute. Ainsi, 70% des réalisateurs de Prime Time et plus de 80% des réalisateurs d’Access Prime Time sont de sexe masculin. Ainsi, non seulement les femmes occupent moins de postes de création sur les documentaires diffusés mais, en outre, les documentaires qu’elles écrivent et réalisent sont moins vus. Les hommes assurent, dans le cas général, la grande majorité des postes d’écriture, de réalisation et de narration alors même que les chaines mettent parfois en place des dispositifs dédiés aux femmes.

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Comment sont répartis les postes entre les hommes et les femmes ?

Agnès CHAUVEAU

Concernant la répartition des postes, on observe de fortes disparités selon les thématiques traitées par les hommes et les femmes. Les sujets jugés plus importants ou plus techniques sont majoritairement confiés à des hommes. Ainsi, plus de 75% des auteurs et réalisateurs des documentaires d’histoire sont des hommes, et, dans l’autre thématique-reine du genre documentaire, les films de société, les hommes réalisateurs sont également en majorité. Ce chiffre grimpe jusqu’à 90% pour les auteurs et réalisateurs de documentaires scientifiques. Les hommes parlent également majoritairement d’environnement, de tourisme, d’aventure et de littérature. Les femmes sont, quant à elles, sur-représentées dans l’écriture et dans la réalisation de documentaires sur des sujets socialement vus comme plus féminins : les beaux-arts, la santé et la religion.

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Qu’en est-il du temps de parole ?

Agnès CHAUVEAU

Les temps de parole rendent compte d’une présence vocale aux deux tiers masculine. Ce déséquilibre est maximal en Prime Time (68%). Il est, par ailleurs, accentué par le fait que la grande majorité des personnes à qui les documentaristes donnent la parole sont des hommes. Les femmes ont un temps de parole équivalent aux hommes quand une femme est voix off, mais elles disparaissent presque entièrement quand la voix off est un homme.

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Ces résultats sont-ils en progression par rapport à vos dernières études ?

Agnès CHAUVEAU

Les cinq dernières années montrent un taux croissant de postes de réalisation assurés par des femmes, 2020 et 2021 étant les deux meilleures années depuis 20 ans avec respectivement 30% et 33% de réalisatrices (25% en moyenne de 2002 à 2022). Si l’on note une amélioration de plus de 10 points depuis 2002, on pourrait néanmoins souligner que cette évolution reste très lente.