Début du procès de l’idole des cryptomonnaies devenue paria

208

Le procès de l’Américain Sam Bankman-Fried, milliardaire à la fortune envolée, idole des cryptomonnaies devenue paria, a débuté mardi devant un tribunal fédéral new-yorkais, où il doit répondre d’accusations de fraude et de détournement. Le jeune trentenaire est entré dans la salle d’audience seul – sans être encadré par des agents de sécurité -, non menotté, puis est allé prendre place aux côtés de ses avocats. Vêtu d’un costume gris et d’une cravate rayée, il portait une coupe de cheveux assez courte qui contrastait avec son habituelle abondante chevelure bouclée. Le juge Lewis Kaplan s’est rapidement adressé à lui, l’informant que la décision de témoigner «appartenait à lui seul» et qu’il pourrait le faire à n’importe quel moment des débats. La défense n’a pas indiqué à ce stade si l’accusé comptait témoigner à son procès. La sélection du jury a débuté en milieu de matinée et n’a pu aller à son terme lors de cette première journée d’audience. En cas de condamnation, «SBF» est susceptible de passer le restant de ses jours en prison, car les sept chefs d’inculpation retenus contre lui sont passibles, au total, de plus de 100 ans de réclusion. Son histoire est celle de l’ascension météorique d’un entrepreneur charismatique qui semblait à même d’aider le monde des cryptomonnaies à acquérir respectabilité et stabilité, mais qui a explosé en vol. Jusqu’à l’automne 2022, il fascinait par sa capacité à monter, en deux ans seulement, la deuxième plus grande plateforme d’échanges de cryptomonnaies au monde, FTX, tout en rendant intelligible aux médias, aux politiques et au grand public un secteur qui ne l’était pas. Des projets par dizaines, une fortune estimée jusqu’à 26 milliards de dollars, une allure improbable avec cette tignasse noire bouclée et ses éternels bermudas, Sam Bankman-Fried avait fini par incarner à lui seul le monde des cryptos. Mais le vernis a commencé à se craqueler début novembre 2022, après des révélations selon lesquelles une partie des fonds des clients de FTX avait été utilisée, à leur insu, pour alimenter la filiale Alameda, afin d’effectuer des placements risqués. Un mouvement de panique a immédiatement suivi, particuliers ou partenaires commerciaux cherchant tous à récupérer leur mise dans l’urgence, au point de provoquer la chute de FTX, placé en dépôt de bilan. Une fois la poussière retombée, quelque 8,7 milliards de dollars manquaient à l’appel, selon l’administrateur judiciaire nommé pour gérer la liquidation. Le procureur fédéral Damian Williams accuse «SBF» d’avoir détourné des fonds de clients de FTX pour les injecter dans Alameda, mais aussi pour acheter plusieurs centaines de millions de dollars d’immobilier aux Bahamas ou faire des dons à des candidats politiques aux Etats-Unis. Mardi, le juge Kaplan a expliqué aux jurés potentiels, dont certains ont indiqué avoir eu connaissance de l’affaire par les médias, que Sam Bankman-Fried était accusé d’avoir «escroqué des clients» de FTX, mais aussi des investisseurs et des créanciers. «Il jouait dans son propre casino», a décrit à la chaîne CBS l’écrivain Michael Lewis, qui a passé plusieurs centaines d’heures avec Sam Bankman-Fried pour un livre qui sort mardi. «Et cela a créé des conflits d’intérêt.» «Comment pouvez-vous ne pas savoir que huit milliards de dollars qui ne vous appartiennent pas sont logés dans votre filiale?», interroge l’auteur à succès. Inculpé notamment pour fraude et association de malfaiteurs, «SBF» a été extradé fin décembre des Bahamas, où se trouvait le siège de FTX, puis remis en liberté à son arrivée à New York, moyennant une caution de 250 millions de dollars. Mais il a été placé en détention début août par le juge Kaplan, pour tentative de subornation de témoin.