Face à Trump, les diplomates chinois se lancent sur Twitter

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Face à Donald Trump et ses tweets incessants, Pékin ne pouvait rester muet: ses diplomates utilisent Twitter – pourtant bloqué en Chine – pour défendre le géant asiatique… et pas toujours diplomatiquement. Au total, une dizaine d’ambassadeurs, de consuls ou de hauts fonctionnaires publient sur le réseau social en anglais, rompant avec la langue de bois caractéristique du pouvoir communiste. Même le ministère des Affaires étrangères en tant que tel s’est lancé. Il a ouvert en décembre un compte sur Twitter, avec des messages qui ne lésinent pas sur les points d’exclamation. «La Chine se serait enrichie grâce à l’argent des Etats-Unis? LOL!», a-t-il publié pour moquer des propos américains vantant le rôle prétendument décisif de Washington dans le développement économique chinois. L’ambassadrice de Chine au Népal tweete sa photo devant des temples, son collègue en Afrique du Sud publie de la poésie occidentale et celui au Royaume-Uni défend avec véhémence le géant des télécoms Huawei face aux sanctions américaines. Cette poussée sur Twitter coïncide avec les pressions croissantes des capitales occidentales sur Pékin, à propos de la détention de musulmans au Xinjiang ou encore des manifestations à Hong Kong. Sans oublier la guerre commerciale Chine-Etats-Unis, qui nourrit le ressentiment de part et d’autre du Pacifique depuis 2018. La presse et les dirigeants chinois, barrière de la langue et formalisme obligent, éprouvent des difficultés à diffuser leur message à l’étranger, note Yuan Zeng, spécialiste des médias à l’Université de Leeds.Mais il y a désormais «une demande pressante pour faire entendre la voix de la Chine d’une manière plus efficace», notamment sur Twitter, déclare-t-elle. Pékin voit «à quel point le président américain est populaire sur le réseau social et combien les médias occidentaux citent souvent ses tweets», souligne Tang Wenfang, professeur à l’Université des sciences et technologies de Hong Kong. Pékin bloque l’accès depuis la Chine continentale aux réseaux sociaux étrangers comme Facebook, Twitter, Instagram ou YouTube – un système surnommé «la Grande muraille électronique». Afin d’éviter tout faux pas, les diplomates chinois faisaient jusqu’ici profil bas sur internet, laissant les médias d’Etat défendre la position du gouvernement. Mais le poids politique et économique grandissant de Pékin les a enhardi. Ils s’expriment désormais de façon plus affirmée, note Ardi Bouwers, spécialiste des médias au sein du cabinet néerlandais China Circle. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a indiqué avoir ouvert des comptes sur Twitter «afin de mieux communiquer avec les autres pays et mieux expliquer la situation de la Chine et sa politique». Mais est-ce équitable pour Pékin d’utiliser le réseau social alors que celui-ci est bloqué dans le pays et donc inaccessible à la grande majorité des Chinois? «Nous avons le plus grand nombre d’internautes au monde. Dans le même temps, nous gérons internet en vertu des lois et des régulations en vigueur» en Chine, a répondu un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Geng Shuang. Quid de la réaction des internautes étrangers face à cette offensive sur Twitter? Plutôt bonne en ce qui concerne Hou Yanqi, ambassadeur de Chine au Népal. La quadragénaire a désormais plus de 16.000 abonnés grâce à ses photos stylées d’elle posant aux côtés d’enfants ou de vaches. Mais les commentaires aux messages du ministère des Affaires étrangères sont souvent acerbes et accompagnés d’articles critiquant les politiques répressives chinoises. Il reste désormais à voir «à quel point les spécialistes chinois de l’information seront convaincants pour améliorer l’image de marque de leur pays face à un public étranger cultivé», déclare Alessandra Cappelletti, professeur de relations internationales à l’université de Xi’an Jiaotong-Liverpool.