Jake Gyllenhaal en anti-héros dans «Night Call»

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«Plus ça saigne plus ça paye», comme dit l’un des personnages de «Night Call», de Dan Gilroy, qui sort vendredi sur les écrans nord-américains. Ce film porté par Jake Gyllenhaal et Rene Russo explore le monde des «nightcrawlers», surnom donné aux journalistes indépendants qui ratissent les métropoles américaines la nuit à toute vitesse, à la recherche d’accidents et de crimes sanglants dont les images se revendront à prix d’or aux télévisions locales. 

Jake Gyllenhaal y incarne Lou Bloom, un jeune chômeur solitaire qui trouve dans cet univers noir la clé de sa propre survie. Avec Dan Gilroy, «nous avons beaucoup parlé des coyotes et des animaux sauvages qui sillonnent la nuit dans les rues de Los Angeles. Ils symbolisent le monde sauvage qui refait surface dans les mégalopoles», a raconté Jake Gyllenhaal lors d’une table ronde avec des journalistes, quelques semaines avant la sortie du film aux Etats-Unis (31 octobre, le 26 novembre en France). L’acteur du «Secret de Brokeback Mountain», pour lequel il a été nommé aux Oscars, ou encore de «Zodiac» et «Brothers», a perdu plus de dix kilos pour ce rôle. 

Dans ce thriller en forme de satire souvent comique de notre société voyeuriste, Lou se transforme en psychopathe qui risque sa vie et celle des autres, sans jamais montrer aucune empathie pour les victimes qu’il filme, ni arrêter sa caméra pour leur porter secours. «C’est censé être la responsabilité du journaliste d’apporter les informations au public à tout prix, et c’est ce qu’il fait, donc il est en théorie innocent, mais l’est-il vraiment?», remarque Jake Gyllenhaal. Lou est poussé à aller toujours plus loin dans cette course morbide par Nina (Rene Russo), la productrice de l’émission pour laquelle il travaille, qui lui demande les images les plus sanguinolentes possibles qui attisent la paranoïa des classes moyennes américaines. Lou grimpe peu à peu les échelons de son nouveau métier, saupoudre ses interactions de larges sourires forcés ou de phrases tirées des bibles du management qui prennent dans sa bouche un tour absurde, comme «c’est un travail pour lequel il se trouve que je suis bon et vous allez voir que j’apprends vite», ou encore «je travaille dur et je me fixe des objectifs élevés». Chantage, mensonge, manipulation: pour lui la fin justifie les moyens, et la seule limite que se fixent les producteurs de la chaîne fictive est non pas éthique mais: «Est-ce qu’on risque des poursuites?». 

Dan Gilroy, qui signe le scénario et passe pour la 1ère fois derrière la caméra, voit son anti-héros comme quelqu’un qui a été «abandonné et maltraité» dans sa jeunesse, «une partie de lui s’est coupée du monde». «Ce qu’il fait au final est moins grave qu’un PDG qui supprime la retraite d’employés» ou «licencie des milliers de personnes» pour toucher un bonus avec lequel «il va s’acheter un yacht et se retrouver en couverture de Business Week pour ça», estime le réalisateur. «Nous vivons dans un monde brutal où ce qui compte c’est ce qu’on rapporte et Lou le voit tel qu’il est et au final le système le récompense», considère Dan Gilroy.