La CEDH favorable à l’anonymisation du nom d’une personne «inconnue du grand public», dans un article de presse archivé

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La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est prononcée mardi en faveur de  l’anonymisation du nom d’une personne «inconnue du grand public», responsable d’un accident de la route mortel, dans un article de presse archivé accessible en ligne. 

L’affaire concerne un différend qui opposait un conducteur, à l’origine d’un accident de voiture ayant causé la mort de deux personnes en 1994, et le journal belge Le Soir, qui avait relaté l’accident et fait apparaître le nom complet du conducteur dans un article mis en ligne et accessible gratuitement. 

Condamné pour l’accident en 2000, le conducteur avait purgé sa peine et bénéficié de l’effacement de sa condamnation de son casier judiciaire en 2006. Il avait ensuite obtenu devant la justice belge l’anonymisation de son nom dans l’article relatant l’accident, anonymisation contestée devant la CEDH par l’éditeur du journal Le Soir, au nom de la liberté d’expression. 

Les juges européens ont estimé, à la majorité de six voix contre une, que l’anonymisation de l’article permettait d’atteindre un «juste équilibre» entre le droit au respect de la vie privée du conducteur et la liberté d’expression de l’éditeur. Ils ont rappelé qu’une simple recherche avec le nom du conducteur sur Google ou sur le site du journal faisait «immédiatement apparaître» l’article litigieux. Ils reconnaissent que cette décision constitue une «ingérence» dans la liberté d’expression, mais que celle-ci est nécessaire afin de ne pas créer un «casier judiciaire virtuel» au conducteur. Ils ont justifié la décision en soulignant que le conducteur est une «personne privée inconnue du grand public», que la publication de son nom n’apporte «aucune valeur ajoutée d’intérêt général», et que l’accident n’a eu «aucun retentissement». 

La Cour précise que cette décision «n’implique pas une obligation pour les médias de vérifier leurs archives de manière systématique», mais qu’elle implique de procéder «à une vérification» en cas de «demande expresse à cet effet».Un des sept juges a néanmoins émis une opinion dissidente, en estimant que l’anonymisation de l’article n’était pas nécessaire, et que le retrait de l’article des résultats des moteurs de recherche aurait été suffisant. 

En 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait consacré le «droit à l’oubli» numérique, en donnant aux citoyens – sous certaines conditions – la possibilité d’obtenir des moteurs de recherche le déréférencement, dans les résultats de recherches, d’informations les concernant directement.