Le «streaming» de jeux vidéo pose question

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De Jouer aux jeux vidéo «n’importe où, n’importe quand», c’est déjà pour demain, mais le passage au «tout numérique» avec l’arrivée de nouveaux services de «streaming» proposés par les géants du net pose question, tant pour les joueurs que pour les éditeurs. «On est à un tournant de l’industrie vidéo-ludique», selon Nicolas, vendeur dans un magasin Nintendo à Paris. Car le streaming pourrait amener «clairement la fin des consoles.

A terme, le streaming va les tuer», explique Charles-Louis Planade, analyste jeux vidéo à Midcap Partners. Si des plates-formes de streaming avec abonnement existent déjà, comme Xbox Game Pass de Microsoft ou Origin Access Premier de l’éditeur EA Games, Google va plus loin avec l’annonce de la sortie prochaine de sa plate-forme Stadia, qui permettra de jouer à des jeux vidéo directement en ligne grâce à la puissance du «cloud», l’informatique dématérialisé. Celle-ci fonctionne avec des serveurs répartis dans le monde entier qui communiquent à très haute vitesse. «On pourra jouer à n’importe quel jeu, plus besoin de consoles, il suffira juste d’avoir Google Chrome, un écran, une manette», annonce M. Planade. Le streaming est un «gain en confort de jeu pour les consommateurs. On commence à jouer sur téléphone, puis on continue sur l’ordinateur ou la télé et vice-versa», explique Audrey Leprince, fondatrice de l’association Women in Games. Avec un concept simple, un abonnement mensuel donnant accès à un catalogue de jeux vidéo disponibles immédiatement sur ordinateur, le marché du jeu à la demande ou «Cloud Gaming» pourrait devenir la chasse gardée des mastodontes comme Google, Apple, Sony, ou autres Amazon. Pourtant, cette offre, alléchante sur le papier mais au modèle économique encore flou, pourrait affecter tant la diversité que la qualité de l’offre vidéo-ludique. «Si nous sommes dans un modèle où l’éditeur est rémunéré en fonction du temps passé sur le jeu, l’intérêt pour l’éditeur sera de garder le joueur le plus longtemps possible», explique Mme Leprince.  Avec un risque d’uniformisation des jeux vidéo, «sans but», «interminables, «répétitifs», craint Jérémie, joueur régulier. En théorie, le streaming pourrait être une aubaine pour les petits éditeurs en permettant «d’élargir l’offre», selon M. Planade. Mais ce n’est pas si simple: si Google casse les prix avec Stadia, «bon nombre de petits éditeurs peuvent être mis à la rue», juge Audrey Leprince. «Pour les gros (éditeurs), l’enjeu sera de vendre toujours aussi cher les jeux, pour les petits, de ne pas être éjectés», résume-t-elle. Il paraît improbable de voir les géants du jeu vidéo renoncer à la très lucrative vente de jeux vidéos AAA, les superproductions du secteur, bien que Google ait utilisé l’un d’eux,»Assassin’s creed», lors de la présentation de Stadia.Le streaming serait alors un moyen d’attirer les joueurs sur les plates-formes  pour proposer ensuite des contenus payants. Il est ainsi fort possible qu’une partie des jeux inclus dans ces abonnements soient «freemium», c’est-à-dire avec une base gratuite mais incluant des achats intégrés, à l’image de la référence en la matière, Fortnite, dont les 2,4 milliards de revenus en 2018 proviennent des achats de tenues ou animations dans le jeu. Pour passer du téléphone à la télé, ces jeux multisupports pourraient souffrir de concessions sur les graphismes. «Je crains que les jeux soient «bâclés». Il faut du temps pour créer un grand jeu, comme un grand film», explique Jérémie, joueur régulier. Outre l’impact qu’aurait le modèle sur la jouabilité et la diversité de production, la technique reste pour l’instant un frein majeur au développement du streaming. Car la condition nécessaire pour profiter de ces offres est de disposer d’une bonne connexion, fibre optique ou 5G or, cette dernière n’est pas encore déployée en France et seulement une petite partie du territoire est équipée en fibre optique.