Les camions-poubelles pour établir un relevé détaillé des zones blanches de l’Allemagne rurale

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Joindre sur leur téléphone portable les habitants de Wusterhausen, au nord de Berlin, peut vite tourner à la crise de nerfs: la commune est parsemée de zones blanches, mal couvertes par les opérateurs mobiles de la 1ère économie européenne. La situation exaspère la population et les élus de cette région rurale située à une heure à peine de la capitale, dans la région de voisine du Brandebourg. «Nous sommes ici en Allemagne, une nation industrielle, et nous avons encore toutes ces grandes zones blanches», déplore Matthias Noa, patron de l’entreprise locale de gestion des déchets AWU. Ce dernier a donc accepté avec enthousiasme la proposition des élus: utiliser les camions-poubelles de sa société pour établir un relevé détaillé de tous les trous dans le réseau de téléphonie de l’arrondissement. Depuis cet été, les conducteurs des bennes peuvent embarquer un boitier qui mesure et enregistre la qualité des connexions sur le territoire de la zone Ostprignitz-Ruppin, qui compte quelque 100.000 habitants. Comme le ramassage des ordures oblige à sillonner la campagne, les camions-poubelles sont des «taxis» idéaux pour cette mission. «Nous allons vraiment sur le terrain, dans les moindres recoins», explique Werner Nüse, vice-président de l’arrondissement, qui n’était pas satisfait des relevés existants, effectués par des institutions publiques ou entreprises privées. Jonny Basner, un des chauffeurs participant à la collecte, connaît bien le problème: «Ce serait super si je pouvais avoir du réseau pour joindre le dépôt depuis les villages» traversés durant la tournée, confie-t-il. Pour compléter les pointages des éboueurs, des boitiers sont également confiés aux randonneurs et cyclistes qui arpentent le canton fait de champs, de forêts, de lacs. Sur une carte, l’élu désigne les points rouges répertoriant les endroits où la réception est vraiment mauvaise: «en tant que zone très rurale dans le nord-est de l’Allemagne, nous ne devons pas être oubliés, c’est notre revendication», martèle Werner Nüse. Une courte promenade suffit pour ressentir la frustration des habitants. «Dehors sur la terrasse, je peux bien capter, mais dans la maison, ça ne va pas, personne ne peut me joindre par téléphone», explique Dieter Müller, dans le hameau de Bantikow. Marko Neuendorf, un habitant de Wusterhausen, explique avoir renoncé à prendre un abonnement de téléphonie mobile «parce qu’il n’y a justement pas de réseau mobile ici». Dans une rue, un homme fait les cent pas, les yeux sur son téléphone, visiblement agacé. «Je cherche du réseau, c’est pour ça que je me promène ici», explique Arek Karasinski, un Polonais en déplacement professionnel. La région gagnerait en attractivité auprès des investisseurs et des touristes avec un meilleur réseau, estiment les acteurs publics. «Chaque entreprise artisanale est désormais numérisée, le moindre électricien a une tablette sur laquelle il commande ses pièces de rechange, ce ne sont donc pas seulement les grandes entreprises qui ont besoin de la numérisation» pour travailler, note Matthias Noa. Les retards de l’Allemagne dans la numérisation de son territoire et de son administration s’étaient imposés en tête de l’agenda électoral lors des dernières législatives, il y a un an. Selon les données officielles, la couverture du territoire en standard LTE, correspondant à la 4G, atteint 100%. Mais dans un sondage du comparateur de prix Verivox, publié au printemps, plus de la moitié des personnes interrogées affirmaient subir régulièrement des pannes de réseau lorsqu’elles utilisent leur téléphone portable. En présentant une cartographie détaillée des failles du réseau local, l’arrondissement de Ostprignitz-Ruppin espère pousser à l’action les opérateurs de téléphonie et augmenter ses chances de décrocher les aides publiques prévues pour réduire la fracture numérique.