Singapour: le Parlement vote une loi encadrant strictement l’internet et les réseaux sociaux

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Le Parlement de Singapour a voté dans la nuit de lundi à mardi une loi encadrant strictement l’internet et les réseaux sociaux pour empêcher les «ingérences étrangères» dans sa politique intérieure, malgré les critiques de l’opposition et des défenseurs des droits qui voient dans ce texte un puissant instrument de répression. La loi, approuvée lors d’une session marathon qui a duré jusqu’après minuit, autorise les autorités à contraindre les fournisseurs de services internet et les réseaux sociaux à donner des informations sur leurs utilisateurs, bloquer certains contenus et retirer des applications utilisées pour diffuser des contenus jugés hostiles. 

Des groupes ou personnes impliqués dans la politique locale pourront être désignés comme «personnalités à caractère politique important», ce qui les contraindra à révéler leurs sources de financement et les soumettra à d’autres «contre-mesures» pour réduire tout risque d’interférence par des pays tiers. Ceux qui violent cette réglementation risqueront des peines de prison et des amendes importantes. Les défenseurs des droits se sont alarmés de ces mesures qui apparaissent comme la dernière pierre d’une législation draconienne mise en place progressivement dans la cité-Etat d’Asie du Sud-Est, souvent accusée de réprimer les libertés civiles. Dans un long discours au Parlement, le ministre de l’Intérieur et de la Justice K. Shanmugam a souligné que Singapour était vulnérable «aux campagnes d’informations hostiles» menées de l’étranger par des agents locaux. «L’internet a créé un nouveau medium important de subversion», a-t-il averti. Dans le domaine de l’information, «des pays développent activement des capacités d’attaque et de défense comme une arme de guerre, aussi puissantes ou plus que les forces terrestres, aériennes ou navales». Son Parti d’action populaire (PAP) qui gouverne Singapour depuis six décennies et est majoritaire au Parlement a soutenu le texte, approuvé par 75 voix. Onze députés ont voté contre et deux se sont abstenus. 

Le Parti des travailleurs, principale formation de l’opposition, avait appelé à des changements du texte, s’inquiétant de mesures ayant une large portée. Un autre parti avait demandé plus de consultations. Pour Phil Robertson, directeur adjoint de Human Rights Watch pour l’Asie, Singapour utilise la peur d’interférences étrangères «comme un épouvantail pour justifier le renforcement de la répression de l’opposition, des activistes de la société civile et des médias indépendants». L’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) estime pour sa part que la loi a le potentiel de mener vers les «pires tendances totalitaires». «Cette loi autorise la persécution de n’importe quelle entité locale qui ne suit pas la ligne fixée par le gouvernement et le parti au pouvoir, en commençant par les médias», a souligné Daniel Bastard, chef du service Asie-Pacifique de RSF.Il a aussi déploré le manque de recours légal pour ceux qui seraient visés par cette loi. 

Les médias indépendants font face à une pression accrue dans la cité-Etat, avec la suspension du site d’informations The Online Citizen le mois dernier pour ne pas avoir déclaré ses sources de revenus. Cette nouvelle loi est votée deux ans après l’introduction d’une loi destinée à lutter contre la désinformation en ligne dans l’île qui a été vivement critiquée par les défenseurs des droits et les groupes technologiques et accusée de constituer un obstacle à la liberté d’expression.