Un film et plusieurs livres s’attaquent aux médias

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«Profession journaliste», «Les patrons de la presse nationale – Tous mauvais», «Les tartuffes du petit écran»: un film et plusieurs livres s’attaquent au fonctionnement des médias, taclant éditorialistes, animateurs télé ou entrepreneurs voraces, dans un exercice d’auto-auscultation. Dans le documentaire «Profession journaliste», sorti dans une seule salle parisienne (La Clef) le 31 octobre, Julien Desprès s’intéresse à la pratique des professionnels de l’information, rendue parfois périlleuse du fait des rapports troubles entre médias, communication et publicité. La profession «considère-t-elle l’information comme un élément du progrès humain ou comme un bien de consommation?», s’interroge en préambule du film cet ingénieur du son de 36 ans, qui travaille lui-même pour la télévision mais aussi sur des films institutionnels. Mettant en avant les témoignages de journalistes, syndicalistes ou le récit d’un voyage de presse, et revenant sur l’histoire de la presse et de la propagande au XXe siècle, Julien Desprès s’interroge sur la logique de productivisme dans laquelle évolue la profession, sur ses effets sur le traitement de l’information, et sur les rapports entre médias et pouvoir économique. «Je pense qu’il y a une vraie nécessité de remettre en question politiquement le fonctionnement des médias», explique le réalisateur, dont le film s’inscrit dans la lignée de ceux de Pierre Carles «Pas vu, pas pris» et «Enfin pris?», et de celui de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, «Les nouveaux chiens de garde». «J’essaie de faire le lien entre les communicants, les journalistes et le monde de la pub», ajoute-t-il. «Finalement, le journalisme devient un peu un autre outil de communication des grands groupes industriels, qui possèdent les agences de com, la publicité et les médias journalistiques». C’est également aux grands groupes des médias, et plus particulièrement à leurs patrons, que s’intéresse le journaliste Jean Stern dans «Les patrons de la presse nationale – Tous mauvais» (La Fabrique). A travers les exemples de «Libération» ou du «Monde», mais aussi l’histoire de la presse depuis la Seconde guerre mondiale et l’analyse de la montée en puissance de quelques familles, hommes et groupes – de Bernard Arnault à la famille Bolloré en passant par Matthieu Pigasse -, le journaliste dresse un bilan noir de la presse écrite en France, mettant en cause sa gestion par de grands industriels et financiers. «En s’emparant en moins de 20 ans de l’essentiel de la presse nationale, les patrons ont orchestré la mise en coupe réglée de ses contenus, pour le malheur commun des journalistes et des lecteurs», écrit cet ancien de «Libération» et de «La Tribune». Il se montre aussi critique à l’égard de ceux qu’il appelle les «journalistes managers», Serge July à «Libération» ou Jean-Marie Colombani au «Monde», qui ont «appelé le Capital à la rescousse», mais à qui «le Capital» a «confisqué le pouvoir avant de les chasser comme des métayers filous». Tout aussi virulent, le journaliste Luc Chatel s’en prend aux animateurs et chroniqueurs vedettes de la télévision et la radio, «faux impertinents et autres polémistes en toc», dans «Les tartuffes du petit écran» (éditions Jean-Claude Gawsewitch). Laurent Ruquier, Thierry Ardisson, Eric Zemmour ou Franz-Olivier Giesbert: chacun en prend pour son grade dans ce livre au vitriol. «Ces nouveaux bouffons se pensent libres, alors qu’ils sont enchaînés; ils ne sont là que pour renforcer le pouvoir d’une télévision purement commerciale», écrit cet ex-rédacteur en chef à «Témoignage Chrétien».