Esport: près de Rennes, la réalité virtuelle immersive fait bouger les joueurs

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«On est dans un autre monde, le futur»: dans une salle de jeu vidéo près de Rennes, munis de casques et de fusils connectés, des joueurs expérimentent une réalité virtuelle immersive innovante qui se développe à toute vitesse en France. Un rappel des règles de sécurité, le temps d’attraper leur matériel high tech, Romane et Malwenn, 22 et 23 ans, s’élancent dans l’arène recouverte de motifs géométriques noir et blanc. «On va se balader dans 500 m2 de façon totalement libre, sans câble, sans rien pour nous retenir» explique Ronand Bouchard, 27 ans, cogérant de cette salle de esport en réalité virtuelle «EVA», du nom de cette franchise française, installée à Cesson-Sévigné près de Rennes. Les deux jeunes femmes ne sont déjà plus réceptives aux interactions avec l’extérieur. Elles viennent de plonger dans un monde où les attend une équipe de trois joueurs, tous représentés par des avatars. La partie ressemble à un entraînement militaire. Durant 30’ les deux femmes enchaînent des duels dans un maquis, un monde arctique et aquatique. A la différence des «laser-games», les joueurs marchent ici dans le calme de façon presque méthodique. «Ce n’est pas de la réalité augmentée, c’est de la réalité virtuelle. Dans l’expérience on ne voit pas du tout ce qu’il y a autour», explique Ronan Bouchard. Electricien de formation, il était chargé du pôle réalité virtuelle chez Saint-Gobain. Avec son associé Bastien Poirier, 29 ans, il a créé cette salle de réalité virtuelle à déplacement libre («free roaming») qui a ouvert en avril. L’idée est née pendant le Covid, «juste après le premier confinement». Dans cet espace qui rappelle le film «TRON» de Steven Lisberger (1982), des ordinateurs envoient les données sur des bornes wifi. Les images sont relayées vers les casques équipés de caméras qui se repèrent avec des QR Code sur les murs. Auparavant les joueurs avaient un ordinateur accroché dans le dos. Jean Mariotte, PDG et cofondateur de la société Eva, situe les débuts de cette réalité virtuelle en 2018. Il rappelle que les 1ers à s’être intéressé aux espaces de 100 m2 étaient américains et français. «The Void (une société américaine) étaient les premiers, avec «Star Wars», à l’avoir intégré avec la notion de cinéma» selon lui. La société française «Emissive a aussi proposé des visites virtuelles des pyramides de Kheops et de Notre Dame». Selon Jean Mariotte, cette façon de jouer casse «l’image négative du joueur» seul devant son PC et masculin. Ici 35% des joueurs sont des femmes. Romane, étudiante en communication, est venue pour «être dans un autre monde, le futur». «Quand tu enlèves ton casque tu ne sais plus où tu es. Tu as un petit pincement au coeur, tu aimerais que cela continue». Pour Anatole Lécuyer, directeur de recherche à l’Inria, l’institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, auteur de «Comprendre le métavers» (éd. Alpha/Humanis) chercheur en réalité virtuelle, si cette technologie ne date pas d’hier, il reconnaît une «prouesse ludique». «Les problèmes de «motion sickness», la cinétose, sont toujours là» mais «en se déplaçant physiquement, cela va limiter les nausées» chez les joueurs, estime Anatole Lécuyer. Le chercheur voit dans ces nouvelles salles de loisirs «peut-être un modèle économique à creuser dans un contexte où l’on cherche à réduire l’impact carbone (…) On va créer des endroits comme celui-ci au lieu de produire pour le grand public des casques qui prendront la poussière». Eva qui veut désormais s’arroger une place dans le esport, organise déjà des tournois avec la vingtaine de salles de son réseau et Dallas (Etats-Unis).