Faux départ pour la 5G en France ?

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Faux départ pour la 5G en France? Le processus d’attribution des fréquences de cette nouvelle génération de réseaux mobiles se complique, entre inquiétude du grand public, pressions des opérateurs et coup de semonce du pouvoir chinois. L’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) doit annoncer en fin de mois les opérateurs ayant fait acte de candidature pour exploiter cette technologie promettant des connexions ultra-rapides via les téléphones portables, mais aussi les objets connectés. Mais les embûches se multiplient: dernier épisode en date, un communiqué de l’ambassade de Chine à Paris dimanche a mis en garde le gouvernement français contre d’éventuelles «mesures discriminatoires» vis-à-vis du géant chinois des télécoms, Huawei. Pour la représentation diplomatique, Paris envisagerait de prendre «des mesures restrictives contre Huawei dans le déploiement de la 5G», avec notamment les limites géographiques dans l’usage d’antennes radios produites par le groupe chinois. Une inquiétude qui trouve un certain écho chez les opérateurs télécoms. Deux d’entre eux, Bouygues Telecom et SFR, utilisent depuis plusieurs années des équipements chinois dans leurs réseaux 3G et 4G. Paradoxalement, c’est d’un opérateur équipé exclusivement par le finlandais Nokia qu’est venue la dernière prise de parole sur le sujet, le DG d’Iliad, maison-mère de Free, souhaitant une clarification de la position du gouvernement. «Nous devons conserver la flexibilité de travailler avec l’ensemble des équipementiers. C’est une question de concurrence équitable et de visibilité pour nos investissements», a déclaré Thomas Reynaud au quotidien les «Echos» de lundi. «Si l’Etat interdit Huawei, il devra indemniser les opérateurs», déclarait fin janvier le président de la Fédération française des télécoms, Arthur Dreyfuss, appelant à «clarifier la situation avant les enchères. Comment appréhender ce processus sans prendre en compte financièrement et opérationnellement une éventuelle interdiction?» Ces prises de parole interviennent alors que l’Agence nationale de sécurisation des systèmes informatiques (Anssi) doit valider ou non, dans les tout prochains jours, les 1ères demandes concernant des équipements chinois et déposées il y a bientôt deux mois par SFR. Au-delà des questions d’investissement et de sécurisation des réseaux, la 5G a vu s’ouvrir de nouveaux fronts, social d’une part, avec un recours de la CFE-CGC Orange, inquiète de l’impact social des futurs déploiements, sociétal d’autre part, avec des craintes en terme de santé mais aussi de conséquences environnementales, exprimées par un nombre croissant de pétitions. Ces inquiétudes ne sont pas spécifiques à la France: alors que la Suisse espérait avoir couvert 80% de son territoire fin 2019, les opérateurs n’ont pu déployer que quelques centaines d’antennes dans le pays, bloqués dans les villes par l’opposition des habitants. Lors d’une prise de parole fin janvier, le PDG d’Orange, Stéphane Richard, voyait d’ailleurs un «décalage dans la manière dont la question se pose en Europe et dans le reste du monde», ajoutant cependant prendre les inquiétudes exprimées «tout à fait au sérieux». «On pouvait s’attendre à toutes les difficultés qui émergent», souligne Guillaume Vaquero, expert numérique pour le cabinet Wavestone, «il y a un contexte économique et politique qui vient s’y ajouter. Les questions écologiques et d’énergie se posent forcément, la 5G est pensée pour consommer moins que la 4G mais dans la mesure où les débits doivent exploser…». Ces risques de retards ne constituent pas forcément un problème, tant les usages de la 5G restent encore très théoriques, en particulier tant que les dernières normes ne sont pas rendues publiques. «La capacité des opérateurs à monétiser pour le moment la 5G est peu évidente, un retard de quelques mois n’entraînerait pas de manque à gagner, cela ne ferait que décaler quelques investissements», remarque Thomas Coudry, analyste télécoms pour Bryan, Garnier and Co.